LE MEUNIER

 
Autrefois le meunier était un artisan travaillant à façon. Son activité consistait à transformer le grain qu'on lui apportait en farine et parfois même à la livrer. Mais en aucun cas, il ne pouvait vendre directement sa mouture.

Pour être considéré comme maître, le meunier devait posséder un moulin en toute propriété ou en fermage. Son entrée dans la communauté était officialisée à l'occasion d'un repas offert à tous les membres. Il prêtait ensuite serment devant l'assemblée en s'engageant à surveiller la marchandise confiée, et à porter secours à ses voisins de jour comme de nuit. D'après Boileau, il n'existait aucune restriction concernant le nombre d'apprentis. Par contre, certains jours, comme les dimanches et fêtes devaient être chômés.

Histoire du métier de meunier

Ce métier est né dès l'Antiquité. Avec le développement des techniques de minoterie vers la fin des années 1850 et l'apparition de la vapeur, il a peu à peu disparu, et la plupart des meuniers se sont reconvertis en agriculteurs ou en boulangers.

La construction et l'entretien du moulin

La construction du moulin et l'achat des ustensiles étaient trop chers pour les particuliers. Seuls les seigneurs et les riches propriétaires pouvaient en supporter la charge financière. L'entretien d'un moulin étant très coûteux et son rendement peu fiable, nombre de communes ont dû cesser leur exploitation en raison des charges qui en découlaient.

Les différents types de moulins

Il existe deux types de moulins, en fonction de leur localisation et de leur source d'énergie: le moulin à vent et le moulin de rivière. L'un et l'autre exploitent les ressources naturelles que sont l'eau et le vent. Qu'il s'agisse de moulin à eau ou à vent, le choix e l'emplacement s'avère extrêmement important. Pour les premiers, le débit d'eau conditionnait le rendement du moulin. (…) Dans le cas du moulin à vent, le meunier privilégiait des sites propices comme le sommet d'une crête ou encore un "couloir de vent". On doit aux Hollandais la forme définitive du moulin à vent dont l'innovation technique consistait à transmettre les forces captées par les ailes à la grande roue par "l'arbre moteur" (…)

Le moulin

Chez les meuniers, l'amour du travail passait avant tout. Ils avaient conscience d'effectuer le plus beau métier qui soit. Avoir une belle clientèle et posséder un beau moulin contribuaient tout autant à leur fierté.

L'amour du métier, qui faisait aussi toute la fierté du meunier, se transmettait généralement de père en fils. (…) Le moulin était donc un lieu familial où cohabitaient les différentes générations. Il était à la fois le lieu de vie et le lieu de travail.. Maison et atelier s'y mélangeaient. au rez-de-chaussée, la salle des meules était utilisée comme cuisine et salle de séjour par la famille, tandis que le premier étage se composait bien souvent d'une chambre unique où dormaient parents, enfants et grands-parents. Le moulin était un espace où chacun partageait la vie du meunier, ses joies, ses angoisses. (…) En cas de tempête, il devait rapidement "virer à râteau", en repliant les voiles. Par grands vents, il devait faire preuve d'agilité et grimper en vitesse aux biens nommées "échelles de meunier". Sinon, le moulin risquait de virer sous le violence du vent et briser les verges.

Le bruit était omniprésent dans le moulin. Le son incessant des rouages qui s'entrechoquent nuisait au sommeil de ses habitants. Le frémissement des ailes, produisait un bruit en tournant, le "tic-tac" des engrenages, la rotation sourde des meules écrasant le grain, le bruit saccadé du nettoyeur et celui plus doux de la bluterie, le roulement des poulies et des courroies…, tout ce bruit faisait partie de l'activité quotidienne du moulin. Le meunier pouvait même juger du bon fonctionnement de son moulin en étant attentif au bruit qu'il produisait. Quand il arrivait qu'une dent en bois casse, on entendait par exemple un "tac! tac! tac!". Il fallait alors agir très vite sinon toutes les dents y passaient.

 La meule

Depuis la meule néolithique avec laquelle on écrasait le grain en déplaçant des deux mains le broyeur en granit sur une partie dormante, les progrès techniques ont été nombreux. Un véritable commerce et un métier très spécifique entouraient la fabrication et l'entretien de la meule.

 A chaque meunier sa farine

Cette profession était très complète puisque le meunier définissait chacun des paramètres de son travail. Dans un souci de perfection, il choisissait son grain, son mélange, le type de meule et la mouture. Le métier nécessitait des connaissances variées comme celles d'un marin pour augmenter et diminuer ses voiles, celles d'un menuisier pour exécuter les menues réparations, mais aussi celles d'un ingénieur. (…)

La technique du meunier nécessitait un savoir-faire particulier. La réalisation de la mouture était placée sous le contrôle permanent du meunier, du choix du grain au type de mouture. Le meunier opérait les mélanges de différentes variétés de blé. il n'existait pas de farine issue d'un seul blé et le meunier se devait donc de sélectionner rigoureusement le blé auprès des meilleurs producteurs.

Chaque artisan meunier décidait du mélange de grains pour sa farine et vérifiait la qualité finale grâce à une mouture d'essai. (…)

Avant de moudre le grain, le meunier le "mouillait" pour que le son sorte plus gros. Il versait le grain dans la "trémie" (sorte de grand entonnoir en bois) qui le dirigeait vers un trou où il était broyé par deux meules, l'une dormante, l'autre courante. Il passait ensuite dans la "bluterie", panneau mobile muni de soies qui sépare la farine de la semoule et du son. Grâce au "blutoir", on obtenait différents niveaux de mouture, la semoule étant issue du broyage grossier du blé dur, et le son, c'est à dire l'enveloppe des graines, étant le déchet de la mouture. (…)

 Meunier, voleur!

Les meuniers étaient souvent en butte à l'hostilité des villageois, qui ne voyaient en eux que des voleurs qui ponctionnaient plus que leur dû. Même s'il ne faut pas en faire une généralité, très peu de meuniers échappaient malheureusement à cette réputation. Comme ils tenaient à être rémunérés en nature, ils prélevaient eux-mêmes leur part sur la farine obtenue. Sur une rasière, soit 80kg, le client retrouvait 51kg de farine et 21kg de son. 8kg servaient à payer le meunier. (…) Les contrôles étant difficilement applicables, il était facile de tricher sur la quantité de farine obtenue à partir du grain apporté par le cultivateur. Il semble que les meuniers aient fait preuve d'une véritable ingéniosité pour voler leurs clients. Dans meuniers et moulins du temps jadis un meunier du Gers révélait que "si un client méfiant s'obstinait à rester près de ses sacs , un dispositif ingénieux permettait à une certaine quantité de farine d'être recueillie clandestinement dans une caisse à double fond." Les meuniers accusaient volontiers les rats et les poules de les piller, de jour comme de nuit. Ils privilégiaient aussi les meules carrées aux meules rondes car la farine restait dans les angles au lieu d'être poussée vers l'intérieur de la meule. (…)

 Extraits du dossier "Meuniers & Boulangers" de la revue NOS ANCÊTRES "Vie & Métiers" n°2 (2003)

 

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