LA POSTE AUX CHEVAUX, LES MAITRES DE POSTE
 

En 1839, toutes les instructions concernant le service de la Poste aux chevaux sont refondues en une seule, qui fut mise à la disposition du personnel et servit de règle immuable à la surveillance et à l'exploitation.

Cette instruction prit le titre d'instruction générale sur le service des Postes. Elle donne la description du costume des maîtres de poste, courriers de malle, et postillons.

Voici cette description qui peut intéresser les chercheurs:

 
Maîtres de poste : Habit de drap bleu de roi, boutonné sur le devant de neuf boutons, et recouvrant entièrement le gilet; collet droit évasé, parements rond boutonnés en dessous de deux petits boutons; retroussis pareils, les poches dans les plis. Deux baguettes droites, or et argent, de onze millimètres de largeur chacune au collet et aux parements. boutons de métal blanc avec ces mots: "Poste aux chevaux". Pantalon blanc ou bleu, ou culotte blanche et le bottes suivant le costume. Chapeau français avec torsade or et argent.

 Courriers de malle : Habit veste de drap bleu de roi, descendant au défaut des cuisses, coupé droit sur la poitrine, à larges poches sur les basques et sans retroussis; le collet droit avec une baguette brodée en argent de cinq millimètres de largeur. Boutons de métal blanc avec ces mots: "Administration des Postes" en cercle, et "courrier" au centre. Le pantalon dit "charivari" en drap gris de fer foncé, avec une bande bleu de roi sur le côté, casquette de drap bleu, ou bonnet fourré suivant la saison. Pendant leurs courses, les courriers doivent être pourvus d'armes, tant pour leur défense personnelle, que pour la sûreté des dépêches qui leur sont confiées.

 
Postillons : Veste de drap bleu de roi, collet, revers, parements et retroussis de drap rouge, boutons de métal blanc avec ces mots : "poste aux chevaux".

Culottes ou pantalons de peau jaune, bottes fortes ou demi fortes. Les postillons qui feront usage du pantalon de cheval ou charivari, ne pourront l'avoir qu'en drap gris mêlé de foncé, avec une bande bleu de roi sur le côté, boutonné de haut en bas avec des boutons d'os noir percés de quatre trous. Un écusson indiquant le nom du relais et le numéro de rang du postillon, porté au bras gauche, sur une bande de drap bleu, passe-poil rouge; largeur de la bande 78 millimètres. Capote manteau en drap gris mêlé, collet bleu de roi.

Les postillons pourront porter sur le collet et leurs parements un galon d'argent de 20 millimètres de largeur; après 20 ans de service, ils porteront un second galon de même largeur au collet; et après 30 ans un autre parement.

A l'occasion de la création de cette nouvelle instruction, le service des "malles" fut réorganisé comme suit:

Le maître de poste est titulaire et exerce ses fonctions en vertu d'un brevet qui lui est personnel. Il jouit dans les conditions qui lui sont imposées, du droit exclusif de la conduite en poste. Ce qui constitue le relais, c'est le changement absolu de chevaux, le remplacement de chevaux fatigués par des chevaux frais. Il est accordé au plus trois minutes pour relayer la malle pendant le jour, et cinq minutes pendant la nuit.

Les malles-poste ne doivent être conduites que par des postillons en rang, revêtus de l'uniforme et la plaque au bras. Les malles doivent être menées avec toute la célérité possible; un poste doit être parcouru en 35 et 40 minutes selon la nature des localités.

 Les malles peuvent dépasser en route toutes les autres voitures de poste. Les courriers ont une trompette qui leur sert en route à annoncer l'arrivée de la malle aux relais et aux bureaux de poste, et à avertir les autres voitures de céder la moitié du pavé, conformément au règlement sur la police des routes.

Si un courrier est attaqué, il doit défendre les dépêches au péril de sa vie. Les courriers sont escortés par la force publique lorsque la nécessité en est reconnue.

L'attelage de la malle doit être composé de bons chevaux à l'exclusion de tout autre. Les chevaux de la malle doivent toujours être garnis et bridés à l'avance, et le postillon de service prêt à monter à cheval.

Toute personne qui veut voyager dans les malles-poste doit préalablement s'être fait inscrire dans un bureau de poste.

 
Elle ne peut être inscrite que sur la vue d'un passe-port en bonne forme. Aucun voyageur ne peut être admis dans les malles-poste s'il n'a à parcourir au moins un trajet de dix postes, à moins qu'il ne soit porteur d'aucun bagage.

 Le prix de chaque place dans les malles-poste est fixé à 1,50fr par poste.

 Les bagages des voyageurs ne doivent pas excéder 25 kilogrammes.

Les voitures des postes, autres que les malles, étaient divisées en 3 classes: 

 En 1848, le romancier Pierre ZACCONE, qui était chef de bureau à l'Administration des postes, en fait la description suivante:

" La vie du courrier est active, pénible même. Le postillon voyage sans cesse, n'a d'autre habitation que sa voiture; c'est dans cette mobile voiture que s'écoule son existence,. A peine a-t-il atteint le terme de sa course, qu'il retourne aussi rapidement aux lieux qu'il a quittés, pour en repartir aussitôt avec la même vitesse. Le sommeil l'accable-t-il? Il ne peut s'y livrer malgré la fatigue qu'il provoque. Là c'est un relais dont il change les chevaux, ici un bureau de poste où il tend et reçoit les dépêches. Les interruptions sont tellement répétées que, dans un trajet de cent lieues, par exemple, qui doit être fait en moins de quarante heures, il trouve souvent dix bureaux de poste et vingt cinq relais: il brave les intempéries des saisons, et les ténèbres de la nuit ne l'arrêtent pas dans sa marche… Non seulement il remet avec un soin scrupuleux les dépêches qu'il a reçues, mais il les défend au péril de sa vie, s'il est attaqué ".


N'était pas courrier qui voulait; l'emploi – difficile à obtenir – était très sollicité car les courriers avaient de bons appointements; ils pouvaient verser 20% de leur traitement pour alimenter leur caisse de retraite. Ils jouissaient en plus de frais déplacement convenables et étaient généralement nourris en cours de route.

 Les règlements autorisaient les courriers à transporter pour leur compte un poids de 75kg au départ de Paris, et de 150kg au retour. Ils tiraient de cette tolérance un profit licite important, car c'est par eux qu'arrivaient les primeurs de toutes sortes, truffes, fruits, poissons, gibiers qui faisaient la gloire des grands restaurants, des Potel et Chabot; Véfour et compagnie…, qu'étaient entretenues les tables des ministères et hauts fonctionnaires de l'Etat.

 De Paris, ils apportaient en province les modes, les soieries, les étoffes et draperies, les victuailles aussi dont ils avaient reçu commande.

 De plus, les courriers jouissaient sur leur voiture d'une autorité complète et étaient en petit, ce qu'un capitaine est à son bord. Ils contrôlaient le service des maîtres de poste, avaient la haute main sur les postillons qu'ils pouvaient punir dans certains cas déterminés. Ils rendaient compte, par un rapport, des incidents et accidents survenus pendant chaque voyage.

Maître et responsable, le courrier commande, il ordonne et sait se faire obéir. On se range, on lui fait place partout, c'est vraiment le roi de la route.

On ne saurait clore cette évocation du passé sans évoquer les services que la poste aux chevaux a rendu à l'agriculture, car c'est, en partie, grâce à eux que l'agriculture de l'époque (1830-1848) s'est développée.

Louis XIV avait accordé aux maîtres de poste l'autorisation d'exploiter jusqu'à 50 arpents de terre labourables; c'est grâce à cette concession, qui fut portée plus tard à 100 arpents, que l'institution put, malgré l'indemnité dérisoire de 30 livres par an et par cheval, échapper à la ruine et rester longtemps à la tête des relais.

L'exploitation de ces relais amena, dans leurs écuries un nombre considérable de chevaux et, avec ces chevaux, une production d'engrais inusitée. Ces engrais étaient répandus par le maître de poste, dans les champs qu'il exploitait autour de son relais. Ce n'est donc pas de la poste que résultaient les fortune attribuées aux maîtres de poste, mais de l'exploitation de leurs terres…

Lors de la discussion du budget de 1831, M. Odillon BARROT s'écria du haut de la tribune de la Chambre: "la plupart de vos grandes entreprises agricoles sont formées et dirigées par des maîtres de poste; il ne serait pas téméraire d'ajouter qu'ils ont été les principaux agents de l'impulsion que l'agriculture a reçue en France".


Ils employaient à l'agriculture les chevaux fatigués par de longues courses et qui venaient se refaire au labourage et au travail paisible des champs.

En 1832 – date culminante de la poste aux chevaux – les 20 000 chevaux fixés par les règlements, représentaient une dépense totale de 36 millions 500.000 francs, pendant que les produits d'exploitation ne s'élevaient qu'à 16 millions 200 000 francs; c'est le produit de l'exploitation des terres qui remplit la lacune… En 1838, les maîtres de poste avaient placé 120 millions dans l'exploitation des terres jointes à leurs relais.

La poste aux chevaux a eu également une grande influence sur le progrès de la race chevaline; il fallait des chevaux à la fois puissants, résistants et rapides. En 1810, les diligences ne parcouraient qu'une lieue à l'heure. En 1839, les voitures de la poste parcouraient quatre lieues à l'heure.

Le règlement obligeait les relais les moins fréquentés à présenter en tout temps un effectif disponible de chevaux de 9 chevaux, ce qui représentait la présence de 11 à 12 coursiers; dans les grandes villes, les maîtres de poste disposaient de 50 à 200 chevaux.

L'activité toujours croissante des communications par voitures publiques et le peu de durée des animaux employés ont créé des besoins très étendus en chevaux légers, devant réunir la faculté de tirer de lourds fardeaux rapidement… Les haras ont doté notre pays de bonnes races de demi-trait par croisement avec le cheval arabe ou barde et le cheval andalou; toutes nos races françaises, depuis le boulonnais, le percheron, l'ardennais, le breton, jusqu'au franc comtois ont fait d'excellents postiers.

C'est la poste aux chevaux qui, la première, par ses besoins spéciaux et sans cesse grandissants, a peu à peu poussé les éleveurs dans la voie des croisements et des sélections sagement ordonnés, desquels sont nés les excellents chevaux de demi-trait dont les relais étaient peuplés.

Relevé dans une étude publiée par le receveur principal des postes M. ROZE (1915).

Archives de la S.E.S.A.

Paru dans la revue du cercle généalogique Flandre-Hainaut n°79.

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