L96. Séance du dix-huit messidor an3

Vu la pétition du citoyen Charles CARON cultivateur de la ferme de Vaqueresse commune de Quevauvillers dans laquelle il expose qu'il n'en jouit à la dite commune que depuis la Révolution, que depuis cette époque il a été fatigué de réquisitions tant de celles voulues par la loi que par celles nécessitées par les besoins de la commune, qu'elle sont si fréquentes qu'il se trouve lui-même dépourvu de subsistances vers la mi-carême.

Que d'après cette pétition présentée par cette Municipalité le District l'a autorisé à faire battre tous les hivernages que possède l'exposant et qui lui son nécessaires pour la nourriture de 19 chevaux, cent cinquante moutons et autres bestiaux, que la Mpté s'est présenté chez l'exposant avec un Commissaire du District en lui ordonnant de mettre 6 hommes pour battre, sans désemparer; qu'ayant battu 750 gerbes en présence du Commissaire, et mesurés devant la Mpté, elles n'ont produit que 7 septier 1/2. Vu que le transport a fait perdre une partie de la semence; que le Commissaire quoique sa commission portât de la faire battre entièrement, a jugé de concert avec la Mpté de se borner à les faire houpper afin d'en tirer le seigle; qu'il s'y est trouvé malgré cela beaucoup de vesce qui ne peut être bonne que pour les animx, et non pour les hommes; que d'après la conduite le Mpté, l'exposant peut se trouver très embarassé ayant ensemencé 27 journaux d'hivernage qui ne lui rapporterait rien à la prochaine récolte; qu'il croit que cette demande n'a été faite par la Mpté que pour mettre a porté les Cens entre les mains desquels cet hivernage tomberait dans le cas d'en aider quelques cultivateurs qui peut être manquent de cette graine; qu'il prie l'admon d'ordonner au Commissaire de cesser de faire battre chez lui afin de ménager la nourriture de ses bestiaux, de lui donner la possibilité d'ensemencer ses terres, et ce fondé sur ce que d'après une visite faite il y a à peu près 15 jours, il s'est trouvé plusieurs particuliers qui avaient chez eux beaucoup plus de nourriture qu'il ne leur en faut pour gagner la moisson, qu'on ne les inquiète point et si l'on continuait à battre chez lui, il se trouverait forcé de vendre une partie de ses bestiaux, la récolte prochaine devant être médiocre.

Vu aussi l'avis du District portant que la mesure prise pour son arrêté du 5 messidor avait pour objet de procurer aux habitants nécessiteux de Quevauvillers la ressource des seigles qui d'après l'exposé de la Mpté pourroient se trouver dans une quantité de 3000 bottes au environs d'hivernage existant encore chez le Cen CARON; que le décret du 2 prairial der ayant autorisé le rebatage des gerbes, le battage des houppes des hivernages est dans l'esprit de la loi puisqu'on peut en espérer une certaine quantité de seigle, que dans un temps de disette générale on ne doit négliger aucun moyen de se procurer des subsistances, qu'en confiant la direction de cette opéraon à un Commissaire et au maire de Quevauvillers l'admon a crû concilier tous les intérêts, que c'est par erreur dans la rédaction de l'arrêté du 5 messidor qu'elle a autorisé le Commissaire à faire battre tous les hivernages, que son intention était seulement d'autoriser à faire battre les houppes, et épis de seigle et non les hivernages, qu'en conséquence, elle propose au Département d'arrêter que l'arrêté du District du 6 messidor sera exécuté et que le battage autorisé demeure restreint à la houppe des seigles des dites hivernages, s'il y a lieu et que le Commissaire restera autorisé à faire battre seulement les houppes des dites hivernages et règlera de concert avec la Mpté de Quevauvillers la répartition des seigles qui en proviendront et d'en faire effectuer le payement au prix qui sera convenu de gré à gré.

Vu également la 2e pétition du Cen CARON du 15 courant, expositive qu'il ne lui reste plus que le quart de la quantité d'avoine qui lui est nécessaire pour la nourriture de ses chevx jusqu'à la récolte prochaine, que pour y suppléer il désirait être autorisé à faire moudre les seigles provenants du battage de ses hivernages, qu'il en livrerait la farine aux habitants de Quevauvillers et qu'il en réserverait le son pour ses chevx, ce qui lui serait d'une grande ressource, ses hivernages perdant beaucoup de leurs grains dans les différents remuages et transports et éviteroit les spéculations du Cen Florimond MILLE officier Mpal qui a déjà proposé du bled en échange de ces graines qui ont manquées par la rigueur de l'hiver, et qu'il soit nommé à ses frais un second Commre pour assister au battage, celui du District ne veillant pas assez a ce que le grain qui doit rester en fourrage soit ménagé comme il doit l'être.

Les administrateurs du Département de la Somme réunis en séance publique, ouï le procureur général sindic considérant qu'aucune loi ne prescrit le battage des grains uniquement destinés pour la nourriture des bestiaux tels que les hivernages, et que la loi du 2 prairial dernier ne peut être appliquée aux sortes de grains sans une extension forcée, considérant néanmoins que tous les moyens qui tendent à augmenter la masse des subsistances méritent d'être annulés favorablement par les corps administratifs, que parmi les vesces d'hiver appelée hivernages appartenant au Citoyen CARON, il existe quelques parties de seigles dont le battage pourrait procurer des grains utiles à la nourriture des hommes, et que le Citoyen CARON consent à ce battage, pourvu que les grains qui en proviendront soient convertis en farine pour être distribuée aux habitants de Quevauvillers, et que le son qui en sera extrait lui soit remis pour alimenter ses chevaux.

Arrêtent
1° qu'en présence du Commissaire délégué par le directoire du District, il sera du consentement du Citoyen CARON procédé au battage des houppes seigleuses seulement des hivernages à lui appartenantes;
2° que les grains qui proviendront du battage seront remis au meunier de Quevauvillers ou tout autre qu'il conviendra pour être converti en farine après toutefois en avoir constaté la quantité;
3° que les farines que produiront les dits grains seront remises aux officiers municipaux de Quevauvillers pour par eux en faire la distribution entre les Citoyens les plus indigens de cette commune et dont les besoins seront préalablement constatés à la charge pour eux d'en payer la valeur suivant le prix qui sera convenu de y céder entr'eux et le Citoyen CARON.
4° Et enfin que le son qui sortira des dits grains par l'effet du battage sera remis au Citoyen CARON, comme lui étant nécessaire pour la nourriture de ses chevaux.

Cen = Citoyen